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L’impression 3D appliquée à la dentisterie : le témoignage d’un praticien

Si de nombreux acteurs de l’impression 3D ont déjà été interviewés sur ce site, il était temps d’aller voir tous ceux qui utilisent au quotidien des imprimantes 3D, qu’ils soient professionnels ou particuliers pour recueillir leur expérience du terrain. Parmi les secteurs d’activité recourant le plus à l’impression 3D, on retrouve la dentisterie qui emploie ce procédé depuis de nombreuses années déjà pour la fabrication en autres, de moulages ou de guides chirurgicaux. PRIMANTE 3D est allé à la rencontre d’Hacib Nabil, un dentiste qui utilise au quotidien l’impression 3D dans son activité. Ce dernier a accepté de nous livrer son témoignage, en nous expliquant ce qui avait motivé ce choix et quelles étaient les applications possibles dans le cadre de son activité. Un premier retour d’expérience particulièrement intéressant et significatif de l’utilisation de l’impression 3D dans ce domaine.

« Je crois qu’il est très facile pour un médecin dentiste d’appréhender cette technologie… »

Bonjour Hacib, pourriez-vous vous présenter ? Quel parcours vous amené à devenir dentiste ?

Bonjour je suis Médecin dentiste depuis 7 ans, installé à Casablanca au Maroc. J’ai choisi ce métier par amour du rôle social du médecin et par admiration de la blouse blanche.

Comment avez-vous découvert l’impression 3D ?

Je l’ai découvert d’une manière non approfondie à travers des forums généralistes, là où ça discutait d’impression 3D pour toutes les applications, mais le forum Eugenol (forum dentaire) était un catalyseur dans mon apprentissage, ou j’ai pu apprendre la modélisation la conception et la fabrication 3D de fichiers dédiés à la dentisterie. Je ne peux passer sans exprimer ma gratitude et mes remerciements à Dr. Patrick MOORE et Dr. Thierry LELIEVRE pour le grand travail de partage de modélisation de guides chirurgicaux open source dans le cadre du projet Be Open Plan.

Quelle utilisation faites-vous de cette technologie, depuis combien de temps ?

Depuis presque deux ans nous utilisons l’impression 3D principalement dans la réalisation de guides chirurgicaux, de modèles biologiques pour la simulation des actes chirurgicaux et rarement pour faire des set up (c’est à dire des maquettes de sourire).

Sur quelle imprimante 3D et quels scanners travaillez-vous ? Avec quels logiciels et sur quels matériaux ?

Nous utilisons dans notre cabinet une Prusa I3. Pour les guides chirurgicaux j’ai plus de préférence pour le PLA pour sa biocompatibilité, sauf que la finition me laisse toujours sur ma faim par rapport à l’ABS qui s’imprime mieux, pour les modèles biologiques j’utilise de l’ABS. Je suis sur le point de changer mon hotend pour un nouveau modèle E3D-v6 ou la température pourrait monter à 400° chose qui permet d’imprimer en PEEK qui est un matériau biocompatible stérilisable par autoclave pour un maximum d’asepsie. Pour le scanner nous sous-traitons cette étape dans un laboratoire de prothèse dentaire qui dispose d’un scanner dental Wings. Ça nous arrive de sous-traiter l’impression de nos modélisations dans des centres d’usinages quand nous avons besoin de haute précision ou de matériaux biocompatibles pour utilisation directe sur os humain, pour ce fait nous avons utilisé les services d’i-Materialise, et AURORE ARKA.

guides et modèles

Guides chirurgicaux et modèles

Pourriez-vous nous décrire les différentes étapes de fabrication de vos guides et modèles ?

Nous concevons nos modèles biologiques grâce à une série de logiciels open source d’imagerie médicale (Osirix, Mialite, itk…) qui permettent la conversion et l’exploitation des images radiographiques en maillages 3D.

Pour concevoir des guides chirurgicaux nous utilisons d’autres softwares généralistes, de traitement de maillages et de modélisation à savoir Meshlab et Blender. Pour l’impression nous utilisons Slic3r et Pronterface et rarement Cura.

Comme nous cherchons toujours le maximum de précision, La durée de nos impressions varie de 45 min à 3 heures en fonction de la taille de nos modèles, pour une épaisseur minimale de 0,05. Par contre la modélisation nous prend une bonne petite heure.

Quelles compétences cela demande t’il ?

Je crois qu’il est très facile pour un médecin dentiste d’appréhender cette technologie de par son habitude à manier des outils informatiques de planifications orthodontique ou chirurgicale, il faut juste un accompagnement de la part des fabricants d’imprimantes surtout dans la modélisation.

« …la finalité c’est de pouvoir offrir à nos patients une solution de bonne qualité et à moindre coût… »

Habituellement comment sont fabriqués les guides chirurgicaux, les modèles et les couronnes provisoires ? Quels sont les avantages et les inconvénients de l’impression 3D par apport aux techniques traditionnelles de fabrication ?

La dentisterie est précurseur dans la fabrication additive et soustractive. Depuis plus d’une vingtaine d’année notre secteur utilise l’impression 3D principalement la stéréolithographie et l’usinage dans la réalisation des guides chirurgicaux, des couronnes et des suprastructures implantaires, mais c’était dédié à une minorité qui pouvait se permettre le prix exorbitant de ces prestations. La majeure partie des praticiens fabrique toujours les guides, modèles et couronnes par coulée traditionnelle, sculpture et thermoformage.

« un modèle biologique me revient entre 1 et 10 euro contre 150 à 500 euro en commerce »

Après la tombée dans le domaine publique des brevets de l’impression 3D et la démocratisation de l’imagerie 3D les procédés traditionnels de fabrication, couramment utilisés, se voient changer petit à petit par un automatisme de conception et de sculpture. Ce qui a pour avantage de nous faire gagner en précision, en rapidité et d’accessibiliser une bonne pratique chirurgicaux-dentaire à un large publique, car la finalité c’est de pouvoir offrir à nos patients une solution de bonne qualité et à moindre coût.

La différence de prix est très grande; un guide chirurgicale ou un modèle biologique me revient entre 1 et 10 euro contre 150 à 500 euro en commerce.

Pour les inconvénients je n’en vois pas vraiment. Mise à part le fait qu’il faille au départ investir un peu de temps pour l’apprentissage de la technique.

Hacib Nabil et son épouse et associée Dalal El Moutawakkil

« …les futures générations de Médecins seront confrontées à une avalanche de techniques issue de l’impression 3D. »

Auriez-vous des conseils pour vos confrères, à tous ceux qui hésiteraient encore à se convertir à l’impression 3D ?

Si la pathologie est mieux appréhendée quand elle est bien imaginée, elle est mieux éliminée quand elle est bien vue. Cette technologie couplée à des logiciels d’imagerie médicale permet de voir et lire un examen Scanner ou IRM entre les mains, sous forme d’une impression 3D et de planifier notre acte chirurgical in vitro.

Je crois qu’il est temps d’introduire cette technologie dans notre arsenal technique vu son utilité dans la pratique quotidienne que ça soit dans le diagnostique que dans le traitement. Il est aussi temps pour les facultés de Médecine et de Médecine Dentaire de mettre dans leurs programmes d’enseignement des cours de modélisation et de conception 3D. Car d’ici 6 à 10 ans les futures générations de Médecins seront confrontées à une avalanche de techniques issue de l’impression 3D.

Comment voyez-vous évoluer cette technologie dans votre domaine dans les années à venir ?

Le mixage des technologies, l’évolution des matériaux dédiés à l’impression 3D ainsi que la démocratisation des scanners optiques dentaires changeraient prochainement les principes de la dentisterie esthétique, où les spatules et les pinceaux du Médecin Artiste se verront changer par des logiciels de conception et des imprimantes de composites teintées, et où la précision de la chirurgie implantaire atteindra un maximum d’objectivité quantifiable grâce à la démocratisation du guidage chirurgical.

Pour ce fait, je crois que la recherche sera dirigée vers le développement de logiciels intuitifs et de nouveaux matériaux d’impression, pour mettre à la disposition du praticien des solutions complètes, facile et rapide à utiliser en interne.

Tous mes remerciements à Hacib et à son épouse pour leur participation à cette interview. Celui-ci doit prochainement faire l’acquisition d’une M3D, j’espère avoir ses retours sur ce modèle bon marché.

  • L’imprimante 3D Prusa i3 (modèle en kit) est disponible à partir de 184 €. Côté matériaux, le filament utilisé par Hacib coûte environ 23 € la bobine d’1kg ABS ou 750g de PLA 3 mm.
*ensemble des crédits photo : Hacib Nabil

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